La mega star du hip-hop mondiale a livré un spectacle inédit à Kigali, au Rwanda, lors de la première édition du Move Afrika Festival, un nouveau né dans l’événement africain qui démarre tambour battant. Aux côtés de l’américain, Zuchu et Bruce Melodie ont accompagné l’initiative comme têtes d’affiches. Récit.
Il y a des concerts qu’on ne se doit pas de rater et ce premier pas de Move Afrika en est un. À Kigali, le 6 décembre 2023 restera dans les annales pour la culture africaine où les mélomanes, venus en milliers dans le BK Arena, la plus grande salle de spectacle ( 10 000 places) de l’Afrque de l’Est, ont vécu une expérience inoubliable.
Comme tout événement de cette envergure, il était difficile de suivre à la loupe la programmation. L’ouverture de portes était prévue à 17h, heure locale mais c’est jusqu’à 19h que les premiers festivaliers ont franchi les barrières de sécurité, aménagées à l’occasion à cet espace qui accueille les événements sportifs et artistiques depuis plusieurs années maintenant. Il y a plus d’un mois, il a été le théâtre aussi de la première édition de Trace AWARDS et Festival où le grands noms de la musique afro mondiale ont livré des prestations et ont reçu les prix. Diamond, Davido, Rema, Did B, Goulam, Yemi Alade, Krys N…ont défilé sur scène et ont offert des spectacles à couper le souffle.
Pour le Move Afrika Festival, la programmation n’était pas aussi alléchante que le Trace Awards et Festival mais il a accueilli une icône, un de 10 meilleurs rappeurs de tous les temps du monde, selon plusieurs médias spécialisés, à la personne : Kendrick LAMAR. Avant sa prestation, aussi envoûtante que spectaculaire, il s’est passé de moins bonnes et très grandes choses qu’on se doit de raconter.
Bruce Melodie, pour colorier la scène de son talent
C’est avec presqu’une heure de retard que les sons ont commencé à retentir dans l’arène qui se remplissait petit à petit. C’est à 20h 49’ que les deux premiers modérateurs sont montés sur scène pour expliquer le contour du projet qui, en gros, est une expérience immersive qui vise à sensibiliser et à mobiliser les citoyens du monde entier sur des enjeux cruciaux tels que le renforcement des systèmes de santé, la lutte contre la crise climatique et le soutien de la jeunesse en termes d’opportunités économiques. Elle a été organisée par Global Citizen et la marque créative pgLang.
Il n’a fallu que 5 minutes aux modérateurs pour tout expliquer et ainsi laisser le public profiter du spectacle. Et pour commencer, quoi de mieux que l’enfant du terroir, le chouchou du public rwandais, mais pas que, parce qu’il y avait des américains, des asiatiques, des européens et une poignée des congolais que j’ai rencontré dans la tribune gold, sachant que le billet d’entrée le moins chers se vendait à 40 $ et le plus cher à 100 $. Bruce MELODIE, parce que c’est de lui qu’il s’agit, a placé la barre haut pour ouvrir les rideaux de cette messe qui s’annonce prometteuse.
Ses habituelles montures noires, qu’il a d’ailleurs offert au public après sa première chanson, sa combinaison noire bling bling assortie d’un t-shirt blanc, Bruce a fait, durant une bonne vingtaine de minutes, un spectacle qui n’a pas laissé le choix aux festivaliers. Ils ont interprété, en communion avec l’artiste, ses tubes avant que le premier gâchis vient interrompre l’envol émotionnel des milliers de personnes, qui commençaient à remplir la salle.
Zuchu, une prestation à demie teinte
Zuchu, la musicienne et acolyte de Diamond Platnumz, était très attendue au tournant, elle qui était dans la même salle il y a plus d’un mois, lors de Trace AWARD et Festival, le 21 octobre dernier. Si la tanzanienne était incrustée dans un programme des mégas star africaines l’autre fois, cette fois, elle était une de têtes d’affiche pour cette expérience. Hélas, Zuchu n’a pas été à la hauteur. Son entrée sur scène était amateur et avec son DJ, le manque de symbiose était flagrant. Dès l’entame, la machine de ce dernier a craqué et le son des micros étaient très fâcheux. Comme si cela ne suffisait pas, elle a ou plutôt, elle s’est convenue avec les organisateurs pour faire du playback. Après Bruce Melodie, on s’attendait à un enchaînement logique des prestations live. C’était sans connaître la marque de fabrique tanzanienne de ces dernières années. Que ça soit Diamond à Kigali en octobre, Harmonize à Goma au mois de juin 2022, personne n’a offert un spectacle live digne de leur aura artistique actuelle. Règle avec exception, oui, car, dans un concert marquant dénommé « Usiku wa Zamani », les anciennes gloires de la musique tanzaniennes ont montré que cela était possible de faire du live à Goma, au mois de juillet dernier. Certains parleront de l’orgueil congolais. On va assumer car c’est inadmissible pour ce public qui se déplace de milliers de kilomètres pour venir écouter des prestations sans véritable préparation de certaines « stars » de la musique Est africaine. À la limite, c’est un manque de respect. Dans 17´, Zuchu n’a pas su emballer le public. Elle a quitté la scène avec des applaudissements forcés de quelques spectateurs. Piètre, voici l’adjectif qui peut désigner le spectacle de la compagne de « Simba » au vu de ce qu’a fait Bruce Melodie et, surtout, du reste du concert.
Dieu merci, Sherri Sylver avec sa fondation sont venus remettre la pendule à l’heure. Après une transition de 3 minutes après Zuchu, une dizaine d’enfant ont surgi sur le magnifique podium de Move Afrika. Ils étaient tirés à quatre épingles, portant de costumes, pour les garçons, et de robes, pour les filles flashés à la hauteur du show qu’ils ont offert. Le public a enfin bougé à nouveau. Les enfants ont fait fondre le BK Arena de leur talent. En danse et en chant, ils ont réussi à remettre la locomotive en marche après le raté de Zuchu. 12 minutes leur ont été suffisantes pour faire passer les messages d’unité en arborant les drapeaux de plusieurs pays africains. On devrait que les dire merci avant que le président rwandais, Paul Kagame, ne monte faire son discours pour donner le Go officiel à Move Afrika, qui a choisi son pays pour lancer cet événement artistique qui sera mobile et se passera, chaque année, dans une ville choisie en Afrique.
DJ Toxxyk est revenu sur scène après, lui qui a lancé les hostilités avant Bruce. Il a usé de son talent remarquable de disque joker pour enjailler l’arène avant l’arrivée marquée de Ariel Wayz, une autre pépite de la scène musicale du Rwanda. Le DJ a repris tout juste à la fin de la prestation de Ariel, la platine pour préparer la rentrée de l’hôte, la grande tête d’affiche : Kendrick Lamar. Mais, tout juste avant, on nous a montré en quoi son spectacle pourrait entrevoir en projetant, sur les écrans géants, un extrait du concert de Jay-Z et Beyoncé. Ils ont aussi incrusté un concert de Davido joué au Ghana. Tous les deux concerts projectés ont été organisé par Global Citizen, qui est le propriétaire du Move Afrika Festival.
Kendrick, le show bouillant !
Il est 22h 52’, exactement. Toutes les lumières de la scène et du BK ARENA ont été éteintes. La scène dégagée. Même les journalistes accrédités et les photographes ont été obligés de se replier du près du « stage ». Le public impatient, ne s’arrêtait pas de laisser leurs portables torches allumées et scandant le nom de Kendrick. Pendant ce temps, l’arène était quasi pleine. Sur le 10 000 places, on peut apercevoir facilement que plus de 90% est rempli.
22h 57’, ce sont les danseurs de l’artiste qui font rougir le public avec une chorégraphie dont eux seuls ont le secret. Trois minutes plus tard, la légende apparaît, micro à la main, chapeau marquée « LA » pour montrer qu’il est originaire de la côte ouest des États-Unis. Il a aussi arboré un costume tout noir avec les détails dorés et un t-shirt mono couleur. La tenue qu’il ne va pas changer, tout comme ses danseurs qui portaient les culottes, costumes et longues chaussettes, tout au long de son spectacle. De leur côtés, les danseuses étaient habillées en jupe courte blanche et des collants à l’intérieur. Kendrick a décidé de commencer avec un couplet d’une minute de la chanson « N95 » avant un arrêt brusque qui a laissé le public chanter à la gloire de l’américain.
Il a par la suite enchaîné avec « Élément », « Fuck That » avec une énergie et un flow qu’on lui reconnaît depuis une dizaine d’années déjà. Après, il a laissé la scène pour une minute. Question de respirer et de laisser la chorégraphie se faire avant de revenir sur scène. En 17’, il avait déjà interprété, en live, 4 chansons et les festivaliers étaient dans une liesse inoubliable.
C’était le tour des danseuses, probablement recrutées au niveau local ( deux d’entre elles, Winnie Ange et Zulfat Scain, de nationalité rwandaise, étaient à Goma au mois de juin 2023 pour participer au Goma Danse Festival ). Avec elle, Kendrick a fait monter la température avec une cinquième chanson. Une cinquième qui laisse route à la fameuse « Bitch don’t killing m’y vibe » très connue et appréciée par les festivaliers, qui, bon nombre connaissaient les paroles par cœur.
« Sit down, be humble… »
Après le septième tube. Pause. Le public réclame le classique « Be humble ». Ce que les festivaliers ne savent pas, Kendrick sait leur désir et poursuit son chemin. Ils ont demandé la lune, il leurs offre en avant les étoile avec « Loyalty » avant d’enchaîner, sur le même volet, avec « DNA » et « Rich Spirit ».
Il est temps d’exaucer la demande du public . Et c’est à 23h 38’ que cela intervient. Le hit planétaire « Be Humble », qui est la onzième chanson de l’artiste dans la soirée, est chantée en communion avec les festivaliers, sous les yeux de Paul Kagame aux premières loges. « Count me on » est venue ajouté de la douceur grâce aux pas de danses des danseuses, qui ont fait preuve d’une ingéniosité artistique exemplaire.
13e, 14e et 15e avant, enfin, que Kendrick ne prenne une pause pour communiquer avec les festivaliers. Il est déjà minuit. Il demande que tout le monde dans la salle allumer les torches de leurs téléphones. Demande acceptée avec succès, il interprété « Still » dans la galaxie de BK Arena. Bonne image et bon spectacle. Il finit sa partie par « All right » et « I love it for me ». Une heure et trente minutes de pire folie pour les mélomanes, invités et journalistes.
Après cette enieme prouesse, cette fois, sur le continent africain dont il a fièrement affiché en background de la scène avec la mention « Compton », sa ville natale, on peut corroborer les dires de Olivia Ovended, rédactrice en chef d’Esquire UK, tenus en 2020 par rapport à la discographie de Kendrick : « Même si vous ne connaissez pas trop le catalogue de Lamar, son influence sur la musique est partout, du hip-hop de la côte ouest, aujourd’hui réalisé par Anderson Paak, â la Trap de Gucci Mane. Il est, et nous n’allons pas le contester ici, le plus grand rappeur faisant de la musique aujourd’hui ». Et à moi d’ajouter : « Je n’ai pas vu Michael Jackson, Tupac sur scène et je n’ai pas encore été aux concerts de Jay-Z et Eminem, mais je peux dire que j’ai vécu le meilleur concert de ma vie, à l’heure actuelle ». Dieu merci et que vive Move Afrika Festival !
David Kasi