Delah Dube est une jeune artiste pleine d’humeur et de positivité qui a marqué la cinquième édition du festival Musika Na Kipaji, à Goma. Avant la prestation de la zimbabwéenne, basée désormais à Kigali, nous avons longuement discuté de sa carrière artistique qui mêle chant, poésie et théâtre.
Pour l’an 2023, le Festival Musika Na Kipaji a franchi un palier considérable. Depuis cinq ans, c’est la première fois que cette rencontre qui met en exergue les talents féminins, en arts et en entrepreneuriat, a fait intervenir d’autres pays que la RDC.
Au total, 3 pays étaient présents au-delà du Congo dont le Rwanda, le Burundi et le Zimbabwe. Ce dernier est le pays de Delah Dube, qui a foulé ses pieds pour la première fois en RDC.
Dube ou la définition de « Good vibe »
Déjà, lors des répétitions en groupe pour le spectacle attendu de Musika Na Kipaji, Delah annonçait les couleurs. Elle a vite plongé les autres artistes dans son univers et elles ont été conquises par son attitude. Autour d’elle, elle n’a pas cessé de partager de bonnes énergies et sa passion pour la musique. À la grande scène, elle a tenu toutes promesses le 26 novembre dernier.
Le moins que l’on puisse dire est que la jeune femme, 21 ans, a été bercée dans un environnement artistique depuis son enfance. Si elle est zimbabwéenne, Delah est née à Gaberone, la capitale de Botswana où elle a grandi avec ses frères et sœurs en partageant leurs talents artistiques, que ça soit en danse, poésie ou chant. « On le faisait que pour s’amuser », a-t-elle souligné dans un reportage réalisé sur elle par DW en avril 2023.
Lors de notre entretien exclusif, elle a confié qu’elle a pris sa passion artistique comme profession après ses études secondaires. « C’est pendant ce temps que j’ai réalisé ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Pas juste pour le plaisir mais quelque chose qui pourrait m’aider à me définir et me projeter dans les différents endroits ».
Dube, pour montrer le chemin aux filles artistiques
Quand on a lui a demandé de se présenter, elle a aisément dit : « Je suis une artiste. Je chante, je danse, je fais le théâtre et je douche les cœurs des gens ». Une phrase qui démontre la démarche artistique de l’artiste. Delah utilise ses mots pour encourager les femmes et les filles à être ambitieuses, authentiques et puissantes. « Je fais la musique pour la liberté », révèle-t-elle.
« La musique est un moyen d’exprimer ce que je ressens au plus profond de moi. Je suis maintenant ici. Je ne parle pas français mais j’avais juste besoin de chanter pour me faire comprendre »
Visionnaire, Dube utilise son art pour montrer le potentiel de la jeunesse africaine. À Goma, elle s’est retrouvée entourer des jeunes filles de sa génération. « Cela signifie que ma voix en tant qu’une jeune artiste africaine peut briser les barrières et aller partout traverser ces murs » dit-elle dans une voix confiante.
Multi talent, dans ses créations, elle explore divers thèmes tels que l’afro-futurisme, l’espoir, la sensualité et la guérison sous un ton sage, émotionnel, humoristique et courageux. Sur scène, elle est pleine d’esprit, d’énergie, charismatique. Elle se montre audacieuse avec sa polyvalence qui lui permet de poursuivre un combat particulier : offrir à des artistes femmes des espaces d’expressions.
« Les artistes filles sont confrontées au quotidien à la difficulté de se faire découvrir malgré le talent », explique la jeune zimbabwéenne. « Cela est un challenge et je pense que nous avons besoin de beaucoup d’investissement dans l’art. Nous avons besoin d’espaces où nous pouvons faire passer notre art au niveau supérieur ».
Des espaces ? La ville de Goma montre déjà un exemple avec le festival Musika Na Kipaji qui reste, jusqu’à présent, le seul événement artistique consacré uniquement au sexe féminin. Chaque année, des dizaines de personnes, incluant les hommes, participent dans l’exécution du projet. L’engouement sur l’initiative s’agrandit au fil des années.
Pour cette édition, plus de 300 festivaliers étaient présents lors du jour du spectacle et une vingtaine d’artistes, danseurs, slameuses, chanteuses et humoristes, étaient sur la grande scène. De ce festival, Delah ne restera qu’avec des bons souvenirs.
« Je suis accablée de gratitude d’avoir été choisie de venir et participer à ce festival. Pour moi, c’est une bénédiction et une chance d’avoir travaillé avec ces incroyables femmes talentueuses ». La discipline comme mode de vie Delah Dube est actuellement basée à Kigali, au Rwanda pour raisons d’étude.
Elle poursuit les deux chemins, les études et sa vie artistique grâce à la discipline qu’elle s’est fixée. Cela lui a permis aussi de se faire un nom dans le pays des mille collines et de présenter ses talents artistiques sur diverses plateformes, telles que Sofar Sounds et Women Deliver en 2023, atteignant un public mondial avec son message d’amour de soi, de résilience et de justice sociale.
Elle a aussi prêté sa voix poétique au public diversifié de dirigeants, d’entrepreneurs et de jeunes de plus de 30 pays africains lors du sommet Youth Connekt 2022, comme à la cérémonie « Kwita Izina » de nomination des gorilles la même année.
Dans son dernier projet « Delah Dube ´s African fairytale », l’artiste explore dans la comédie musicale qu’elle a elle-même écrite, mise en scène, coproduite et interprétée, les voyages dans l’espace, la spiritualité et la recherche d’un but.
Sa mission est d’expérimenter différents sons, visuels et formes d’art afin de transformer et de contribuer à l’industrie créative africaine. Au quotidien, elle s’inspire de la musique de Nina Simone et de Lauryl Hill.
Par David Kasi et Francis BC