L’art et la culture se mêlent avec subtilité à l’Institut Français de Goma. Le vendredi 4 octobre 2024, l’IF Goma était hôte de performances artistiques pour clôturer trois jours de réflexion par conférence-débat initiés par le collectif Initiative Construire Ensemble autour des enjeux de la migration et de la mobilité des jeunes.
Sous un soleil presque au bout de son voyage, alors que l’équipe technique choisie pour cet événement mettait les derniers ajustements sonores et lumineux pour offrir au public un spectacle inédit, l’enceinte de l’IF Goma enregistrait déjà une entrée timide des spectateurs qui se réunissaient en petits groupes pour discuter, attendant impatiemment le début des prestations.
C’est pratiquement à 16h pile que l’animateur retenu pour l’occasion monte sur scène. Christopher Hamisi, coiffé d’un chapeau pointu fait à base de stiquettes, souhaite la bienvenue aux participants en leur rappelant le cadre dans lequel l’activité est organisée. Il leur promet tout de même un show à la hauteur des attentes.
Fini le discours, place aux prestations. Ce sont les musiciens de Musika na Kipaji qui ouvrent les rideaux avec une performance acoustique. La finesse de Daniela Mpabuka sur son piano, les grattes ingénieuses d’Ibrahim Chomba sur sa guitare solo, seul garçon de l’équipe, les précisions d’Eunice Mbuyi et de Bisimwa Madeleine, respectivement à la batterie et à la guitare basse, tous en symbiose, offrent des sons agréablement rythmés pendant une dizaine de minutes et poussent le public à s’approcher de la scène.
Le slam et le dessin sont au rendez-vous. Ghislain Kalwira et Francisca Dheve, deux slameurs du collectif Goma Slam Session, accompagnés de l’art visuel du dessinateur Didier Binyungu, s’invitent sur scène vêtus tout en noir, visages couverts d’étoffes blanches, une mise en scène qui attire la curiosité et laisse deviner le fond du message de leurs textes. Les slameurs commencent par parler de façon métaphorique du Congo, dans toute sa splendeur et dans ses réalités tragiques. Ils se mettent dans la peau d’un jeune admiratif et amoureux de son pays mais dont les situations lui font douter de son patriotisme, avant de finir sur “Bani Walid”, un texte poignant qui parle de la souffrance des migrants en détresse.
Esther Cirezi, artiste musicienne venue de Bukavu, accompagnée de sa guitare, transporte le public dans son univers par sa voix mélodieuse teintée de douceur. Ses chansons parlent plutôt d’amour et d’espérance. Elle est ensuite suivie de Racelue, une autre slameuse et rappeuse. Celle-ci change un peu l’ambiance et fait monter la température. D’une voix puissante et de métaphores bien choisies, elle parle plutôt d’elle, de ses croyances et convictions, bref de sa vision du monde.
Depuis la sortie de son EP “Cocktail”, Mr. Wape Kitu, dit Osée Elektra, n’avait jusque-là pas encore côtoyé de grandes scènes. Mais comme un soldat, ce slameur et rappeur connu pour ses performances chaleureuses a signé son retour triomphal sur scène. Seulement trois chansons ont suffi pour conquérir le cœur des mélomanes qui remplissaient déjà l’espace. Il interprète “BAG” (Bienvenue au Gondwana), passe par “Cocktail”, le titre même de son EP, et termine par “SOLDAT”, son chef-d’œuvre bien maîtrisé par son public qui d’ailleurs ne s’est pas lassé de scander les refrains.
Parce que le rire est thérapeutique pour un peuple déjà traumatisé, l’humoriste Merveille Kanzé n’a pas raté sa mission. Il emporte le public dans ses délires et, par des histoires drôles, il décroche des sourires et dessine des fous rires sur les visages des spectateurs. Personne n’oubliera l’histoire de son fameux orchestre au Rwanda.
Pour couronner la soirée, le choix est porté sur les Rossignol Ténors. Ce trio magique aux voix timbrées, composé de Toussaint Makasi, Louison Zik et Picheko, a offert au public une performance à la hauteur de leurs talents. Sur un style engagé, ensemble ils interprètent quatre titres dont une chanson de Lokwa Kanza, “Il y a des jours comme ça”, avant de fixer rendez-vous en novembre prochain pour le Festival Amani auquel ils sont invités.
Si l’objectif du projet était de donner la voix à la jeunesse congolaise, on peut dire que l’art a été ce canal par excellence à travers lequel ces jeunes ont fait passer des messages de paix, d’amour, de résilience et de résistance pour construire et changer le narratif.